La Tuber Melanosporum, ce diamant noir de la cuisine française, n’a cessé d’alimenter toute sorte de mythes et de légendes depuis sa découverte dans l’Egypte ancienne. Comment expliquer cet engouement tout particulier pour la « pomme de terre noire » ? Œuvre du malin ou tout simplement champignon d’exception ?

L’origine de la truffe est difficile à dater et à localiser, ce qui participe certainement au mystère qui l’habite. Certains prétendent qu’elle a d’abord été découverte dans l’ancienne Egypte (2600 ans JC), d’autres la localisent dans la Rome ou la Grèce antique.

Longtemps la truffe sera ignorée, interdite. Ne voyait-on pas en elle l’œuvre du malin ? Champignon noir, sous terrain, naissant après les orages nous disait déjà Théophraste (372-287 avant J.C.) « engendrée par les pluies orageuses d'automne ». Plus tard c’est Plutarque (50 - 125 après JC) qui renchérit en affirmant que la truffe est engendrée par la foudre elle-même : « Puisqu'au cours des orages, des flammes sortent de vapeurs humides, quoi d'étonnant à ce que la foudre en frappant le sol donne naissance aux truffes, qui ne ressemblent pas à des plantes ». Pendant des siècles, la truffe sera bannie de toutes les tables. Elle sera interdite durant tout le moyen-âge. Un champignon noir, sous-terrain naissant avec la foudre, cela suffira à la Sainte Inquisition pour l’interdire. Ne disait-elle pas que la truffe était « aussi noire que l’âme d’un damné » ?

C’est François 1er qui la réintroduit à la cour. A partir de ce moment et durant toute la saison, la truffe de france sera consommée en grand nombre. Elle sera présente à tous les repas, la truffe noire retrouve ses titres de noblesse. Le diamant noir devient un produit de luxe sous Louis XIV à la fin du XVIIème siècle, et est commercialisée comme tel à partir du XVIIIème siècle. La truffe noire bénéficiera de toutes sortes de rumeurs. La Montespan la considérant comme un aphrodisiaque en faisait consommer largement au roi Louis XV lorsque celui-ci mollissait. Madame de Pompadour, favorite du Bien Aimé, adorait la soupe de truffes et de céleri, arrosée de tasses de chocolat ambré. Cette façon de préparer la truffe « échauffait les esprits et les passions ».

Elle déchaîne les passions et les imaginations. L’une des légendes périgourdines les plus répandues concernant ses origines, fait de la truffe un légume ensorcelé, tout droit sorti de la baguette magique d’une fée.

Cette légende, la voici

« Un beau jour, un bûcheron du Périgord recueillit chez lui une pauvre vieille femme, mourant de faim et de fatigue, et lui donna à manger une de ses plus belles pommes de terre. Pour le récompenser, la vieille dame, qui n’était autre que la fée du Périgord, transforma la pomme de terre en un légume noir comme l’ébène et parfumé comme la rose, et en dispersa dans tout le jardin : « Va, continua la fée, cours à ton jardin, tu trouveras plein de ces pommes précieuses dont personne ne connaîtra jamais la graine, c'est un trésor que je te donne ». A ces mots, le bûcheron courut au jardin et, émerveillé, décida de récolter les plus belles pour les porter au village. Très vite, ces truffes firent la fortune de notre homme qui, mourant, légua à ces enfants un empire d’or et d’argent. Mais les enfants, peu enclins à poursuivre les efforts paternels, dilapidèrent son or et se désintéressèrent des truffes, comme des pauvres vieilles femmes. C’est ainsi qu’un jour ils demandèrent à leurs valets de battre l’une d’entre elles venue les importuner. Or c’était la fée du Périgord…Les pommes précieuses s’enfuirent alors du petit jardin et, malgré le mur qui l'entourait, se dispersèrent dans tout le Périgord. Quant aux fils du bûcheron, ils furent, dit-on, changés en porcs et condamnés à chercher les pommes de la fée… »

Ainsi jusqu’au XVIIIème siècle, sa culture et sa nature restent inconnues. Et les légendes sont tenaces. La truffe ne serait-elle pas le fruit défendu des sorcières ? En effet, l’une des légendes rapporte que la nuit, les sorcières se réunissent aux pieds des chênes, pour y danser et qu’au petit matin, après s’être retirées, celles-ci laissent sur le sol une trace, un brûlé, que l’on appelle Rond de Sorcière. Et les trufficulteurs savent que c’est dans les Ronds de Sorcières que l’on trouve les truffes.

La fascination que produit la truffe noire du Périgord ne date donc pas d’hier, et d’après ce que l’on peut voir, elle n’est pas prête de s’éteindre… Si bon nombre de nos croyances ont disparu quelques histoires ont pourtant perdurées jusqu’à nos jours, laissant la tradition intacte.

De grands gastronomes ont fait de la tuber melanosporum le diamant noir de la gastronomie. Celui qui a fait le plus pour la gastronomie et la truffe de france est, sûrement, Jean Anthelme Brillat-Savarin.

Jean Anthelme Brillat-Savarin : « Qui dit truffe prononce un grand mot qui réveille des souvenirs érotiques et gourmands chez le sexe portant jupes, et des souvenirs gourmands et érotiques chez le sexe portant barbe. ». Brillat-Savarin adorait la truffe, et surtout avec la volaille. Nous avons retrouvé des recettes de volailles truffées. Pour Jean Anthelme, la recette et les proportions sont assez simples. Pour faire une volaille truffée, il faut prendre une belle volaille de 2 kilos et 2 kilos de truffes. Simple et terriblement efficace.

La production de truffe noire s’est écroulée durant les 100 dernières années. Nous sommes passés de plus de 1.000 tonnes par an à moins de 50. Plusieurs raisons sont à l’origine de cet effondrement de la production. En premier lieu, les 2 guerres mondiales, qui ont éloigné les trufficulteurs de leurs truffières sauvages ou plantées. Le milieu s’est refermé et la truffe a disparu. Après la première guerre mondiale, la production de truffe est passée de 1.100 tonnes à moins de 800. Après la seconde guerre, la production a chuté à moins de 500 tonnes et pour finir, l’exode rural et la désertification des campagnes ont eu raison des truffières et de la production de truffes. La production n’a cessé de descendre jusqu’au début des années 90 où elle s’est stabilisée autour de 40 tonnes. En revanche, sa demande n’a cessé d’augmenter et est, aujourd’hui, 10 fois supérieure à la production. Cela contribue à garder les prix élevés. Attention, des petits malins seraient tentés de vous proposer de la truffe de chine au prix de la melanosporum. C’est pourquoi je vous dirais, tout ce qui est noir n’est pas melanosporum. Méfiez-vous, une truffe bon marché n’existe pas. 

« Une truffe c’est cher, tout ce qui est rare est cher, une truffe bon marché est rare donc une truffe bon marché est chère. » Ok ?